jeudi 5 novembre 2009

Le songe nocturne



Nous entendons les clameurs sourdes des régiments royaux, claquer des étendards, mais ce sont simplement les volets. Nos paupières s'ouvrent sur l'atmosphère vibratoire de la chambre. Nous sentons le vent noyer chaque anfractuosité de la paroi extérieure et devinons le halo d'une lune argentée. Les thèmes qui furent abordés ces derniers jours pour inaugurer cette chronique française, de même que ceux qui sont envisagés, tournoient dans notre esprit, s'entrechoquent pour former de nouveaux motifs. Nous sourions en préparant notre plan de travail, café, tabac. Il est minuit passé et nous sommes bien, calé dans notre vestige de chaise, face aux pixels dociles de l'iMac. Wax Tailor, Tales of the forgotten melodies.



Les clameurs qui nous occupent en ce lieu, ce sont celles du combat légitimiste, ce combat que nous tenons pour sacré et dépassant par sa noblesse toutes les ambitions les plus honorables fors la sainteté. Cet engagement libre et sincère peut-il racheter nos fautes les plus odieuses, Dieu seul le saura jamais en ce monde. Nous ne pouvons que croire que, hormis par les miracles et les prophéties sur lesquels nous nous garderons de compter, la Providence révèle ses desseins les plus vastes par l'Histoire des hommes. C'est donc, songeons-nous, dans cette ample respiration des civilisations que l'Homme doit chercher la clef de son salut terrestre.



Nous l'avons deviné dans notre jeune âge sans pouvoir y mettre de mots et avons été émerveillés par les images et les couleurs portant en elles le sens des volontés cachés qui animent le monde et le parcourent. Nous nous y accoutumâmes sans même le savoir et en fûmes imprégnés de plus en plus, cherchant en désespérant de trouver, trouvant sans pouvoir nommer. Nous prîmes conscience que le lieu par excellence de l'Histoire est le futur et que tous les possibles de celle-ci résident dans la lame affilée et insaisissable de l'instant qui le fige irrévocablement. Il est le lieu sacral du surgissement. La Ténèbre des Ténèbres nécessaire à l'accomplissement.



Le paradoxe est que c'est ce futur qui nous livre toutes les clefs de l'Histoire car c'est vers lui que nous nous tournons lorsque cesse en nous la rêverie et que se dessine la volonté, mûrie comme un fruit près de se cueillir, qui en jaillit. Cela s'appelle le Haut Geste, l'action noble. C'est le pont magique de l'Histoire en gestation, celui sans lequel on ne pourrait lui donner son sens si précieux, existentiel. C'est donc dans l'avenir que nous allons chercher l'Histoire. Symboliquement, par notre quête sans fin, par notre méditation de celle-ci, par notre combat. Authentiquement, par notre projet, par notre motif, par notre fin ultime. Désespérément, par notre fidelité, notre compassion, notre amour.



L'idée qui nous tiens désormais à coeur est d'ouvrir la lourde porte d'airain de l'Histoire et de sentir au fur et à mesure l'appel d'air qu'elle produit avec notre futur. Nous ne savons pas toujours, tant elle est labyrinthique, ce qu'elle réserve à nos yeux stupéfiés, mais nous avons déjà puisé aux sources cachées du grand réseau des Temps en mouvement et sommes prêts à affronter notre intime conviction au effets de miroirs de l'Histoire dans nos découvertes matérielles. L'Oeuvre est ainsi la compilation, nectar essentiel, la conservation, lieu des sentinelles et la transmission, don de soi et amour de l'autre. L'Histoire se fera ainsi songeons-nous encore. Nous devons en fait la rappeler à elle-même.



Il semble simple, évident même, mais cette acte suprême, enfant de notre conscience, est semé de pièges et de dangers. C'est dans cette acte que nous verrons les forces contraires et le pouvoir terrifiant du Démon, jusqu'à l'intolérable. Ne nous méprenons pas. Face à un tel dérèglement du monde, la violence inouïe du Mal se projette comme aimantée sur le preux et le heurte, le blesse, l'avilit, le rend fou et enfin le tue. Les premiers symptômes de notre marche vers la lumière sont négatifs et douloureux, qui n'a jamais eu peur dans la nuit noire ? Ils engendrent le doute, la solitude, l'humiliation. Mais confiants malgré tout, nous nous rappelons ce que la nature nous enseigne. Il n'est pas d'accouchement sans peine.



De même nous ne saurions ordonner l'Histoire à sa place. Il convient de la découvrir, de l'apprivoiser, de l'écouter par notre peine pour qu'elle se réalise. Elle pourra paraître confuse, désordonnée ou même paraître sans qu'on la distingue le moins du monde. Elle apportera la récompense par son vecteur même : le Temps. La Vision ne se fera qu'à la fin des Temps. Il faut en être. Nous ne voulons, ni ne pouvons déchirer son voile complètement et seuls des indices et des parcelles, des jeux de figures, des retours soudains seront notre lot. Nous serons souvent guetté par le découragement ou la lassitude face à l'ampleur de notre tâche, nous ne devons pas cependant basculer dans l'excès inverse et négliger nos devoirs envers nous-mêmes et envers les autres, nous invaliderions notre travail et nous nous détruirions. Tout comme le doute, le redoutable orgueil sera toujours là, près de faire son oeuvre.


Franc à cheval de Jean II

Comme nous aimons à le rappeler, la vitesse nous flatte. Mais cela est vite oublié et l'impatience engendre de nouvelles douleurs. La précipitation, de nouvelles difficultés. Nous nous devons l'exactitude, la précision. Nous les devons à notre Histoire. Sans elles, elle ne viendra pas à nous. Nous ne pouvons nous permettre d'en être indigne par négligence. Ce serait nous condamner à être des gens ordinaires, et pire encore, car nous aurions gâché notre fibre sacrée, notre grâce. Nous ne pouvons vouloir cela sans nous faire les complices du Mal le plus insidieux et le plus puissant : la paresse. Elle nous rend indisponibles pour l'Oeuvre, inexistants. La découverte de la Sagesse ne peut souffrir de demi-mesures. On s'y adonne, tranquillement mais pleinement. Nos premiers travaux de redécouverte seront ardus et nécessiteront le concours de toutes les volontés sincères qui désireront apporter leurs intuitions, leurs connaissances et leurs réflexions, sans négliger leur humour, qui recèle parfois de profondes vérités.


Franc à pied de Charles V

François Couperin, Mistérieuses barricades. Tabac, café. Nous retenons de la réflexion à laquelle nous nous sommes livrés que notre combat est voulu par l'Histoire. Elle devient son alliée dès lors que nous montrons des qualités de dévouement, d'humilité, de persévérance et de patience. Seule une véritable foi puisée au fond de notre coeur, origine de nos sentiments, peut soutenir et véhiculer notre action. Nous devrons nous préparer à l'accomplissement des arcanes des Temps en vivant chacun de nos instants comme tendus vers notre projet commun, le Haut Geste. Enfin nous prierons et nous rappellerons toujours que nous devons nous montrer dignes de la vie qui nous a été donnée par Notre Créateur. Nous étudierons bientôt les différents aspects de notre quête. Est-il utile de préciser que notre allure et notre comportement à l'égard des autres ne se verront pas changer par fantaisie, mais se modifieront insensiblement dans le temps. Point de mysticisme échevelé à la face du monde donc ! Nous sommes sereins et disponibles. Le vent nous enveloppe toujours de son souffle inextinguible. Il pleut.

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